Compte-rendu du séminaire Quel internationalisme pour construire la paix?
Organisé par Transform! avec le Mouvement de la Paix FSM Tunis 27 mars 2013 9h-11h30
Le séminaire s’est tenu le premier matin du FSM 2013 de Tunis. Il rassemblait, sous une tente aux couleurs de la Palestine, un public assez important, autour des intervenants : Youssef Habash (Palestine), Lydia Samarbakhsh (France), Reiner Braun (Allemagne) et Willy Meyer (Espagne).
Walter Baier, modérateur, a rappelé que Transform!, depuis 2001, a placé la question de la paix au cœur de ses préoccupations et dans le cadre des FSM (à travers la mobilisation contre la guerre en Irak en 2003, la question de Palestine…).
Youssef Habash a rappelé que la question de Palestine est centrale pour la paix. Il ne peut y avoir de paix dans le monde si ce conflit, au cœur, n’est pas résolu. Le « processus de paix » n’existe plus depuis presque 20 ans. Il faut donc des actions concrètes, un soutien clair au peuple palestinien au niveau international, en particulier dans les gauches en Europe, et une solidarité en actes qui consiste notamment à faire pression sur tous nos gouvernements.
Les modes de résistances sont multiples. La campagne BDS (boycott, désinvestissement, sanctions) en est un. Il faut élargir cette lutte pour le respect du droit international. Le FSM est un lieu où se rassemblent des forces pour construire un autre futur, un monde de luttes convergentes.
Les « printemps arabes » ont changé la donne dans la région, mais ils ont aussi provoqué des changements en Europe. Nous sommes face à une reconfiguration du monde. Il est donc nécessaire d’avoir une vue d’ensemble et de se concentrer sur les grandes questions concrètes qui constituent nos batailles communes.
Sans réponse à la tragédie palestinienne, la paix est impossible dans le monde. Mais sans regard élargi sur la paix comme enjeu global, international, la paix en Palestine est impossible. Il y a un phénomène de « cause à effet » entre la question de Palestine et la bataille internationale pour la Paix. Les échecs des uns étant ceux de tous, et les succès des uns pouvant nourrir les succès de tous.
Lydia Samarbakhsh a exprimé combien le problème qui se pose aux forces de progrès pour construire la paix, est grand. Le monde actuel, dans la logique capitaliste qui prévaut, et dans la crise globale qui le traverse, fonctionne aux antipodes de la logique de paix. C’est un monde de compétition, d’humiliations, qui déclenche crises et conflits de nouvelle nature un peu partout.
Une solidarité nouvelle est donc nécessaire, qui retisse les liens entre toutes les forces de progrès (politiques, sociales, syndicales…). Une solidarité en particulier envers les femmes, les jeunes, sacrifiés, sans avenir, en régression.
Il faut identifier des objectifs communs et définir des méthodes pour les atteindre. La solidarité doit être concrète pour que les actions menées pèsent sur les gouvernements ou sur l’Union européenne, pour les pousser à changer de politiques et de conception de leur rôle (surtout pour l’UE). C’était un des enjeux majeurs de l’élection présidentielle (et des législatives) de 2012 en France, un changement de politique étrangère et européenne. On en est loin ! Cela continue d’être une de nos batailles nationales.
La crise globale a éclaté les forces de contestation et d’alternative, qui sont éparpillées. La construction de fronts de luttes communes, par-delà les frontières, est une alternative. Nos conceptions différentes, dans ces cadres, peuvent même devenir un atout, créer de nouvelles formes de collaboration, de rassemblement et d’action collective.
La gageure est de mener ces batailles dans un monde déchiré et de soumission de l’autre où, lorsque l’on cherche la paix, on apparaît comme déphasé, irréaliste.
Penser que la paix peut prévaloir est une conception révolutionnaire, porteuse d’avenir.
Reiner Braun a rappelé que le mouvement pour la paix a toujours été ancré dans l’internationalisme et la solidarité (dès avant 1914, puis après la Seconde Guerre mondiale dans la lutte contre les armes nucléaires, ou encore en 2003 contre la guerre en Irak, par exemple). Il y a une constance de l’internationalisme de ce mouvement, qui est un mouvement d’action. Mais en toute lucidité, il faut reconnaître qu’il est aujourd’hui faible. De nouveaux critères doivent donc être définis, pour un nouvel internationalisme pour la paix.
Il peut tout d’abord se construire, se tisser, sur la base des nombreux réseaux existant (pour un Traité sur le commerce des armes, campagne ICAN pour l’ébolition de l’arme nucléaire, contre les mines, anti-guerres…), se renforcer par l’apport de toutes ces énergies en les faisant travailler ensemble au niveau mondial.
Il devrait être plus simple dans son fonctionnement, plus accessible, tout le monde devrait y avoir une voix égale.
Il gagnerait à être indépendant de tout gouvernement, Eglise, parti. Faire converger ces forces, avoir une approche résolument pluraliste pour chercher des voies communes vers la paix, mais sans dépendre de personne.
Les défis sont nombreux, certains sont très visibles et appellent une mobilisation forte : interdire les institutions de guerre et de violence (en particulier l’OTAN) ; chercher des solutions à travers les cessez-le-feu et les négociations, pour systématiser la résolution politique et pacifique des conflits ; lutter au niveau national contre les politiques de nos gouvernements (engagements dans des interventions armées, ventes d’armes…) ; s’opposer à une UE partie prenante des conflits et des guerres ; éliminer les armes nucléaires.
Nous avons urgemment besoin d’un monde de justice sociale, de politiques qui cherchent le bien être durable, pour la paix.
Willy Meyer a exposé l’agenda immédiat, en Espagne, de solidarité internationale pour la paix : la Palestine, le Sahara occidental, Cuba (blocus et libération des 5), élections au Venezuela le 14 avril.
Il a inscrit ces batailles dans un cadre plus large : celui d’un internationalisme qui se définit contre l’impérialisme. En effet, celui-ci se nourrit des guerres afin de mettre en œuvre sa domination et son agenda international qui est celui du Consensus de Washington.
Les enjeux clés pour l’impérialisme sont l’accès à l’énergie, la garantie des voies d’approvisionnement, la sécurité militaire nécessaire à un empire non auto-suffisant. S’opposer à l’OTAN et aux bases militaires, représente donc une lutte fondamentale, prioritaire. L’Espagne a deux bases américaines sur son sol.
La barbarie doit cesser, et pour que puisse émerger une alternative, il faut arracher le monstre à la racine : s’attaquer au système capitaliste.
Cela passe, naturellement, par une dénonciation de l’Europe telle qu’elle existe aujourd’hui, elle qui n’a jamais remis en cause ses politiques vis-à-vis de la Tunisie, de l’Egypte malgré les bouleversements dans ces pays, et qui n’a d’ailleurs pas non plus modifié sa politique favorable à Israël.
La lutte passe aussi par des actions concrètes de solidarité (une délégation d’Izquierda Unida se rend prochainement à Gaza).
C’était un séminaire intéressant, avec une composition du panel efficace, et où l’on a pu constater des convergences dans l’analyse comme dans les propositions.
Claire Chastain
9 avril 2013