OTAN mondiale : une menace pour la Paix
OTAN mondiale : une menace pour la Paix Webinaire online 13- 14 juin 2021
Global NATO: a Threat to Peace
Online webinar June 13 & 14 2021
L’OTAN en Afrique / NATO in Africa
Alain ROUY, Le Mouvement de la Paix (France)
Jusqu’à aujourd’hui, l’OTAN s’est peu préoccupée de l’Afrique bien que les puissances occidentales membres de l’OTAN soient très présentes sur le continent africain, en particulier la France, ancienne puissance coloniale, et les Etats-Unis qui, depuis 2007 ont établi un commandement unifié de l’Armée US pour l’Afrique, USAFRICOM, localisé à Stuttgart en Allemagne. On dénombre au moins 34 sites militaires des USA en Afrique : 14 bases principales et 20 camps avnt-postes, la base principale étant Camp Lemonnier à Djbouti avec plus de 5000 hommes.
La France quant à elle dispose de bases permanentes et de bases temporaires en Afrique, 5100 soldats français sont actuellement engagés dans les opérations au Mali et dans les pays voisins, et 3000 autres soldats sont stationnés en Afrique.
L’OTAN n’est intervenue en Afrique en tant que telle qu’à partir de 2005, d’abord dans le cadre d’opérations anti-terroristes, l’Afrique étant perçue comme foyer de terrorisme, de piraterie maritime et de trafics de drogue et comme source de migrations irrégulières déstabilisantes pour les puissances occidentales, en particulier en Europe.
A ces menaces pour la sécurité des Etats-membres, le rapport OTAN 2030 – Unis pour une nouvelle ère ajoute le défi systémique représenté par la Chine et la Russie, à la fois en matière de sécurité et d’économie. Dans ce rapport OTAN 2030, l’Afrique est évoquée comme faisant partie du « Sud » en général, qui inclut l’espace méditerranéen et l’ensemble du continent africain. Déjà, le Sommet de l’OTAN de Varsovie en 2016 avait souligné la nécessité de « renforcer l’approche » pour le Sud en raison de la présence grandissante de la Russie et de la Chine et de renforcer la coopération politique et pratique avec l’Union Africaine. Le rapport OTAN 2030 reprend ces orientations en formulant les recommandations suivantes :
- Renforcer la capacité de réponses militaires en renforçant le pôle pour le Sud de l’OTAN, installé au Commandement allié des forces interarmées à Naples (Allied Joint Force Command Naples)
- Développer la collaboration avec l’Union Africaine; le rapport suggère en outre d’établir des consultations régulières entre Alliés concernant l’Afrique, sujet absent de l’ordre du jour traditionnel.
Les interventions de l’OTAN en Afrique et la coopération avec l’Union Africaine depuis 2005
- En 2005: première intervention de l’OTAN en soutien opérationnel à l’Union Africaine dans le domaine de transport stratégique dans le cadre de la mission de l’UA au Darfour (Soudan)
- En 2007 en Somalie : fourniture de moyens de transports stratégiques en appui à la mission AMISOM de l’Union Africaine
- En 2007, l’OTAN a organisé un exercice d’importants déploiements et de manoeuvres au Cap-Vert
- En 2008, à la “demande” de l’ONU, l’OTAN a apporté sa contribution à la lutte contre la piraterie maritime dans le golfe d’Aden et a dirigé l’opération Ocean Shield.
- Plusieurs accords ont été signés entre l’OTAN et l’Union Africaine, marquant chaque fois un approfondissement de la cooperation:
– en 2006, accord de coopération pour la formation d’officiers des armées des pays africains considérés comme allies sans être member de l’OTAN (“NATO Training Cooperation Initiative”)
-en 2014, accord de coopération OTAN-UA, suivi en 2015 de l’ouverture d’un bureau de liaison de l’OTAN au siège de l’Union Africaine à Addis-Abeba (Ethiopie)
-en 2019, nouvel accord de coopération en vue de renforcer le partenariat politique et pratique entre l’OTAN et l’UA.
L’intervention de l’OTAN en Libye en 2011
Cette intervention s’est faite sans le consentement de l’Union Africaine et sur la base d’une interprétation contestée de la résolution 1973 du Conseil de Sécurité de l’ONU du 17 mars 2011, permettant de « prendre toutes les mesures jugées nécessaires pour protéger les populations civiles ». Les opérations militaires de bombardements massifs des installations miltaires libyennes ont débuté le 19 mars, menées essentiellement par la France, le Royaume-Uni et les Etats-Unis. A partir du 31 mars elles ont été conduites par l’OTAN (opération Unified Protector), sous commandement canadien, jusqu’à fin octobre 2011.
La livraison d’armes dans les zones rebelles s’est faite en violation de la résolution 1970 de l’ONU du 26 février 2011 établissant un embargo sur les armements à destination de la Libye. L’OTAN a très largement dépassé le cadre des résolutions 1970 et 1973 destinées à protéger les civils. En renversant le régime de Kadhafi tué le 20 octobre 2021 et en armant les rebelles, l’OTAN n’a fait qu’ajouter de la guerre à la guerre, provoquer un chaos qui perdure en Libye jusqu’à aujourd’hui et déstabiliser toute la région avec la prolifération de groupes terroristes islamistes au Mali, au Niger, au Nigéria et au Burkina-Faso.
L’Afrique dans le viseur de l’OTAN
Avec les accords de 2019 signés avec l’Union Africaine, l’OTAN a voulu se redonner une image plus positive, en mettant l’accent sur des programmes de coopération politique repris dans OTAN 2030 concernant les femmes, la paix et la sécurité. Mais c’est un tout autre langage qui est employé dans le rapport rédigé en avril 2019 pour l’Assemblée parlementaire de l’OTAN par le Portugais Julio Miranda Calha sous le titre : Sécurité et Stabilité en Afrique : Défis et priorités pour l’OTAN. Le rapport appelle les pays de l’Alliance à jouer un plus grand rôle en Afrique et souligne la nécessité d’occuper le terrain car sinon, ce sont la Russie et la Chine qui le feront.
Ce rapport traduit pour l’Afrique les visées géopolitiques de l’OTAN débattues lors del’actuel sommet 2021. L’OTAN mondialisée est appelée à s’occuper de l’Afrique et à y déployer sa stratégie militariste. Les infrastructures existent pour une présence renforcée de l’OTAN sur le continent africain grâce à la forte présence déjà de l’armée US. Il y a au moins 6000 militaires des USA en Afrique (dont 800 en Afrique de l’ouest en soutien à l’armée française) et par exemple en 2021, les USA organisent des manœuvres militaires : l’exercice naval Phoenix Express du 17 au 28 mai en Tunisie avec la participation de 11 pays, et l’exercice aéroterrestre Authorize 2021 en mai-juin à Ouarzazate au Maroc avec la participation d’hélicoptères de l’armée française. Dans ce dernier cas, ces manœuvres apparaissent comme un soutien au Maroc contre le Front Polisario et sont sources de tensions militaires avec l’Algérie et diplomatiques avec l’Espagne.
En Afrique comme ailleurs, l’activisme des USA et de l’OTAN est une menace pour la paix.
Le redéploiement prévisible de l’OTAN ers l’Afrique rend urgente la nécessité d’étendre notre réseau anti-OTAN en Afrique et pour nos organisations de paix de nouer des liens avec toutes les forces de paix actives sur le sol africain.